Répit
Au détour d’un bois, dans la lumière nimbée
d’un matin d’automne, j’aperçois un
sentier bordé d’érables champêtres, longeant un ruisseau presque somnolent. Je décide de m’y hasarder,
pensant y trouver une tranquillité bienfaitrice qui m’éloignerait peut-être de
mes inquiétudes.
Le lieu est splendide. La
saison a posé de-ci de-là des touches de couleurs flamboyantes, des camaïeux
de bruns et d’ocres, en petites touches, que l’eau paisible renvoie avec éclat. Je m’arrête un instant, subjuguée par ce tableau
étourdissant. J'en profite pour reprendre mon souffle. C’est le cliché parfait d’un matin de
novembre, d’une campagne qui m’est si chère, loin du tumulte, des tracas du
quotidien, des accidents de la vie.
Cette pause me revigore. Je décide d’avancer
un peu plus pour me fondre dans ce qui me parait être mon éden.
Au fil de mes
pas, je me détends, chaque tension se délite une à une, me libérant des
craintes qui me tordaient les viscères il y a peu. Mon esprit se prend à divaguer,
volatile comme le léger brouillard qui enveloppe la canopée des arbres
environnants.
Je crois avoir atteint le point de non-retour.
Est-ce mon instinct de survie qui m’a menée jusqu’ici ? Je ne saurais dire. Ce qui me semble évident, au milieu de
cette végétation apaisante, c’est que ma place est bien ici, parmi
ces entités vivantes. Je longe le ruisseau qui serpente à travers un pré
parsemé de rosée. Mon reflet dans l’eau me fait sursauter. Je m’approche alors un peu
plus pour m’observer. Dans mes yeux, je peux y lire la fatigue et la terreur.
Deux sentiments que j’ignorais encore hier, ma jeunesse m’ayant épargnée, préférant me frotter à la
liesse, à l’insouciance et la gourmandise d’un être en pleine croissance.
Des souvenirs resurgissent, des moments forts où j’ai appris à être ce que je suis. Je pensais
avoir un avenir certain, tout tracé. Je n’avais pas envisagé une seconde qu’il
en serait autrement.
Une bise légère me ramène à l’instant présent.
Je les sens. Je sais qu’ils ne sont plus très loin. Pourtant, je ne bouge pas.
Je suis même plutôt calme. En fait, je suis résignée. Je sais que je ne peux
rien contre eux. Alors, je les attends immobile. Je ne leur donnerai pas la
chance de me faucher en pleine course. Je les regarderai droit dans les yeux.
Mon seul regret est de savoir que ma route
s’achèvera ici, seule, sans avoir la
chance de rencontrer celui qui, toutes les nuits depuis un mois, brame dans
l’espoir de me séduire. Il m’aurait fallu un automne de plus pour lui faire mes
yeux de biche et poser mon museau sur le sien. Malheureusement pour moi, la
chasse est ouverte.
Les trois hommes qui me poursuivent sans
relâche, depuis de longues heures, accompagnés de leurs chiens, s’approchent
inexorablement de moi, avec la ferme intention de ne pas rentrer bredouille
chez eux, ce soir.
Février 2017
Ce texte, je l'ai écrit à l'occasion d'un concours de nouvelles. Mon inspiration, je l'ai trouvée en regardant ce petit film "15 secondes de répit", d'Aurélie Thiérion. Cliquez et vous verrez, on imagine presque l'ombre de cette biche...
très très jolie !
RépondreSupprimer😉 je l avais deja lu celui la
RépondreSupprimerJ'avoue....mais je l'ai retravaillé un peu....😁
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RépondreSupprimer😊