Hiver (3)


Lui


Il choisit ce moment-là pour se réveiller.
Le doux bercement d’une voix, brusquement interrompu, l’incita à  sortir de la léthargie dans laquelle il flottait depuis des heures.
La bouche pâteuse, les yeux englués, il remonta peu à peu à la surface de sa toute conscience.
Après avoir recouvré lentement la vue, l’ouïe et le reste de ses sens, il essaya de bouger ses jambes engourdies et de s’asseoir. Une fois chose faite, il tenta de faire face humblement à la multitude de questions qui affluaient dans son cerveau : où suis-je ? Qu’est-il arrivé ? Pourquoi ai-je aussi mal à la tête ?
  
L’infirmière arriva à sa rescousse, accompagnée du médecin qui effectuait ses visites, comme à l’habitude avant la distribution des repas.
- Monsieur Gides, bienvenu parmi nous ! dit-elle. Vous avez dormi plus de dix heures...
- Qu’est-ce que je fais ici ?
- Vous avez eu un malaise hier soir. Un coma diabétique. Aviez-vous pris votre insuline ?
Il prit le temps de réfléchir, de se remémorer la soirée d’hier puis répondit :
- Je me souviens m’être piqué avant de sortir...Je voulais assister à la séance de vingt heures. Je suis sorti,  j’ai fait la queue puis ... je ne sais plus.
Le médecin qui s’était tu jusque là, prit la parole.
- Vous êtes suivi régulièrement par votre médecin traitant ?
- C’est à dire que j’ai déménagé dernièrement...je viens d’arriver ici et je n’ai vu encore aucun de vos confrères. Je comptais le faire bien sûr...mais le manque de temps... et tout allait bien jusqu’à aujourd’hui.
- Il n’y a rien d’alarmant, les examens ne révèlent pas d’anomalies mais il faut rester vigilant avec le diabète, vous le savez. Ecoutez votre corps et ses alertes, elles ne sont pas anodines.
- Oui, vous avez raison, je vais un peu plus m’occuper de moi.
Il prit sa tête dans les mains tant elle lui faisait mal.
- Passez la nuit ici, reprenez des forces et vous pourrez sortir demain.
- Merci docteur.
Il sortit seul, l’infirmière s’affairant à noter sur l’ardoise accrochée au pied du lit les dernières instructions du médecin.
Une fois sa tâche accomplie, elle le regarda des yeux plein de malice, un léger sourire posé sur ses lèvres.
- Qui y-a-t-il ? demanda-t-il, à la fois étonné et embarrassé par ce regard quelque peu insistant.
- Vous savez, vous n’étiez pas seul pendant votre sommeil.
- Ah? Il y avait un autre malade avec moi ?
- Non rien à voir. C’est une femme, elle était là lors de votre chute. Elle s’est occupée de vous, et ce matin elle est venue prendre de vos nouvelles. Elle est restée toute la journée près de vous. Quand vous vous êtes réveillée, elle venait juste de partir. Elle voulait être là à votre réveil.
Cette voix douce, cette chaleur, il comprenait maintenant ce qui l’avait bercé si délicatement.
  

Elle


Rassasiée de nourritures terrestres et de bruits engendrés par ces lieux, je repris l’ascenseur  et longeai le long couloir qui me ramenait à la chambre 212.  J’avais quelques mètres encore à parcourir quand je vis un homme en blouse blanche sortir de là.
Je m’arrêtais surprise puis courut vers lui.
- Excusez-moi docteur, je vois que vous venez de visiter cette chambre (Je lui montrai du doigt), vous serait-il possible de...enfin...comment va-t-il ?
- Ne vous inquiétez pas. Nous avons eu une discussion ensemble. Il semble être conscient du sérieux de sa maladie. Rappelez-lui de temps en temps d’aller voir son médecin, de faire les examens de routine préconisés dans son cas et rien ne pourra lui arriver de grave. Soyez en sûre.
Parler, ils avaient parlé ensemble...c’est donc qu’il était réveillé !
Le médecin me serra chaleureusement la main et reprit le cours de ses visites. Moi, je restai immobile, paralysée par l’évidence que la troisième rencontre serait plus difficile à envisager.
En effet, l’inconnu, ce que je ne connaissais pas et ne contrôlais plus me terrifiait. Je regardai cette porte telle un obstacle infranchissable. Elle était bien là ma lâcheté, nourrit par mon manque de confiance, ma tendance  à l’évitement et ma fâcheuse habitude à diminuer l’intérêt qu’il peut y avoir à me connaître (la fleur sans parfum, quoi, vous avez oublié ?)
L’arrivée d’un groupe d’infirmiers assez bruyants me poussa dans l’ascenseur. Je  me sentis vide de courage. Rentrer, dormir, oublier.





Commentaires

  1. rohhh non il faut écouter les signes, et foncer à chaque opportunité !

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