La journée de la femme
3 poissons rouges dans un bocal…
Viviane retrouve comme
prévu son amie Véra qui l’accueille avec virulence.
–Non mais, tu te
rends compte que je poireaute depuis une demi-heure !
–Oui, je sais,
excuse-moi ! Mais j’ai fait ce que j’ai pu, tu sais ! Viens ici que
je t’embrasse.
–C’est quoi l’excuse
cette fois-ci ? T’as eu du mal à choisir ta tenue ? Comme si ça
allait changer quelque chose à ta journée…
–Mais tout à fait
Madame ! C’est très important de se sentir belle ! Fraîche comme un
gardon ! Ça rend aimable en plus ! Tu devrais essayer…
–Oh ! Merci du
conseil ! Je m’en souviendrai !
–Tu es à croquer ce
matin, je trouve. C’est nouveau ce petit gilet à écailles. Tu l’as trouvé où ?
Je suis tout ouïe !
–Tiens, voilà Irène… Salut
ma sardine !
–Salut, les
filles ! Qu’est-ce qui se passe encore ? On vous entend de
loin !
–C’est Véra qui a
pris la mouche parce que j’ai quinze petites minutes de retard…
–Quinze ! Dis
plutôt trente ! Une demi-heure que l’eau coule sous les ponts !
–Pour attraper le
gros poisson, il faut bien mettre le paquet ! On se fait une petite virée
entre filles, tu te joins à nous Irène ?
–Pourquoi pas ? On
pourrait prendre la direction des quais ! Il paraît qu’un nouveau bar à
mouche a ouvert et il y aura peut-être du beau monde !
–Je vous aime
beaucoup toutes les deux, mais j’ai passé l’âge de ferrer le poisson dans les
débits de boissons ! Un peu de dignité, nom d’une anguille ! Il
faudrait songer à voir plus grand ! À changer de poissonnerie !
–Oh qu’elle est drôle !
Tu sais bien que notre temps est compté. Il faut qu’on pense à notre
descendance ! Allons nager en eaux troubles, épier les piliers de bar,
séduire les requins de la finance qui viennent vider leur tête et leur
porte-monnaie pour se donner du bon temps. Qui sait, dans le lot il y aura
peut-être la perle rare ?
–Pour fonder une
famille ? T’es sérieuse ? Oh non, mais moi je jette l’éponge… Explique-lui
Irène parce que je suis à bout d’arguments là !
–Euh… Écoute Vivi, ce
que Véra veut que tu comprennes c’est que les hommes qui te font des yeux de
merlans frits ne sont pas toujours fréquentables. Et que pour être sûre qu’il
n’y a pas anguille sous roche, mieux vaut fréquenter des endroits à moindre
risque comme…
–Oui, comme
quoi ? Les médiathèques ? Les salons de thé ? Les expos ? Ça
fait rêver !
–C’est plus sûr, c’est
tout !
–Moi je rêverai qu’on
m’enlève, qu’on soit si ébloui par ma beauté que pour me garder et me chérir on
soit prêt à tout…
–Houlà ! Les vertébrés
d’aujourd’hui préfèrent être éblouis par leur propre image et leur carrière que
par la nôtre !
–Tu exagères
Véra ! Ton loup chéri n’est pas comme ça ! Il est au petit soin avec
toi !
–Mais c’est une autre
génération… Le mien il se noierait dans un verre d’eau si je devais le quitter,
alors tu penses bien qu’il fait tout pour que je reste au port ! Mais les alevins
d’aujourd’hui, c’est différent ! Ils sont restés trop longtemps dans les
écailles de leur mère, et ils sont occupés à réussir leur carrière
professionnelle, ils n’ont plus la patience de chercher l’âme sœur. Alors, ils
consomment et ils jettent.
–Je ne suis pas d’accord
avec toi. Tu fais des généralités ! Tu sais très bien que la richesse de
l’être vivant est bien dans sa diversité !
–Tu as raison !
Je m’emporte ! Avec tous ces combats féministes en ce moment, ça me questionne…
Mais si tu réfléchis bien, les inégalités viennent juste d’une petite poignée
de misogynes. Les autres, nos hommes, ceux qui partagent notre quotidien, ils
prennent la place qu’on veut bien leur donner ! C’est tout !
–Bon, c’est bien
gentil tout ça, mais on fait quoi là ? On va se la boire cette petite
mousse ? L’heure tourne et j’ai piscine à 16 h moi !
–On y va Vivi et on
jettera l’ancre là où le courant nous mènera…
3 poissons rouges dans un bocal s'en vont passer du bon temps...

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Petit aperçu des oeuvres réalisées par mes élèves, à la manière du tableau d'Henri Matisse "Les poissons rouges" |
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