Souris !



Souris !

Mère Nature, ayant voulût bien faire les choses, me dota, à défaut d’un physique avantageux, d’un désir démesuré pour l'aventure. Rien ou si peu ne m’effraye, ni l’inconnu, ni le curieux, ni le danger et encore moins le laid. Au contraire ils aiguisent ma curiosité. Je suis l’exact contraire de mes congénères. Je fuis la contrainte, le train-train quotidien, la tranquillité, la passivité. Mes mésaventures n’altèrent en rien mon envie de conquête et de découverte. Je tombe pour mieux me relever, ignorant les recommandations et les conseils qu’on veut bien me prodiguer. Moi-même, je ne sais ce qui pourrait calmer mon ardeur à vouloir toujours aller vers ce que je ne connais pas. Alors, je continue de prendre un chemin de vie périlleux.

Jusqu'à ce jour d’automne...

C’est un après-midi. Le soleil a décidé d’être généreux. Je déambule dans une forêt que je connais bien. Des couleurs mordorées composent la palette de ce paysage que je goûte pour ma plus grande joie. Les sentiers font ma route, ma seule activité se résumant à écouter les bruits, les mouvements autour de moi et celui de mes pas sur les feuilles mortes.
Après un certain nombre d’enjambées, j'entre dans une clairière parsemée de rochers épars et anarchiques. Une pause s'impose. Je  m’installe sur le plus massif et le plus haut. Le point de vue y est intéressant pour qui veut voir sans être vu. Après quelques secondes d'observation, je remarque la présence d’autres promeneurs discrets, comme moi, qui occupent l'espace pensant être seuls. Je reste là un moment, curieuse puis rêveuse, le dos réchauffé par les rayons du soleil pourtant timide à cette époque. 
Un bruissement de feuilles me sort subitement de ma léthargie, m'informant d'une présence proche de moi. Du haut de mon promontoire, je scrute les alentours discrètement. Je finis par le distinguer.
Je n’ai jamais rien vu de pareil.
Une silhouette svelte, musclée, alerte, une chevelure flamboyante en accord avec les couleurs automnales, des yeux en forme d'amande parsemés de minuscules paillettes d'or, à vous éblouir sans ambages. Je distingue leur éclat, voluptueux, hypnotique. La méfiance, qui avait pointée son nez quelques secondes auparavant, disparaît aussi vite. Je suis déjà sous le charme de cet être.
Sans vraiment m’en rendre compte, je suis descendue du rocher et j'avance dans sa direction. Une odeur suave et boisée caresse mes narines. Elle me happe, m'enivre. Je suis prise au piège, incapable de contrôler mes actes et mes pensées. Je finis par croire à l’impossible. Je suis sous son emprise. 
Je m’approche toujours plus, sans bruit. Lui semble très occupé à observer la danse aérienne de deux papillons azurés. Je n’ai pas peur, je suis comme anesthésiée, je ne maîtrise rien, je n’écoute même plus la petite voix intérieure qui m’ordonne de faire demi-tour.
Le craquement d’une brindille lui fait soudain tourner la tête et m’apercevoir. A ma vue, ses moustaches frémissent, son souffle s’accélère, ses muscles se tendent. Il semble que ma vision lui fasse de l’effet. A quelques pas de lui maintenant, je remarque son port racé, son œil perçant, son attirance animale, ses lèvres qui frémissent. Toute gêne chez moi s’est envolée. Je veux m’approcher encore, toujours. L’insensé devient possible. J’avance avec une légèreté croissante, sans entraves, mon pas rythmé par les battements de mon cœur d’amoureuse transie. Plus rien ne m'arrêtera.
Pourtant, je vais tout droit dans la gueule du loup….. 
ou devrais-je dire, plus exactement, dans la gueule d’un magnifique renard roux, qui, il faut bien le dire, ne mit qu’une petite seconde pour m’avaler toute crue.
Oui, sire Renard apprécie toujours de croquer une souris des champs quand son estomac le titille…

L'attirance physique peut nous subjuguer. Elle peut nous faire perdre pieds aussi. Mais elle n'est, en aucun cas, le reflet de l'âme...




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