Il était une fois...

 


Il était une fois



Si je devais raconter ma vie, je commencerais comme les conteurs par la formule « il était une fois… », non pas que ma vie ressemble à celle d’une héroïne des contes de fées mais parce que mon enfance a été bercée par leur lecture dès mon plus jeune âge. D’ailleurs c’est le premier souvenir que j’ai de livre. J’en possédais peu et ils étaient précieux. L’un d’eux, le plus cher à mes yeux, était le non moins connu « La belle au bois dormant ». J’adorais tout dans ce livre : son format parfaitement adapté à la largeur de mes cuisses, sa couverture vernie qui lui donnait de l’éclat et la rendait solide, la qualité des illustrations très réalistes — à tel point que très vite je donnais vie aux personnages et tombais bien sûr follement amoureuse du prince charmant —, son odeur de papier glacé et de carton (je la sens encore). Quand il fût en ma possession, je n’étais pas encore en mesure de le lire alors j’avais dévoré un à un chaque détail des illustrations. Je repassais du doigt les contours des visages pour mieux m’imprégner de leurs expressions. Je lisais l’histoire, que je ne connaissais pas encore, à travers elles. Et puis, j’appris à lire. Quel réconfort de voir que je ne mettais pas tromper sur le contenu!

Je détestais prêter ce livre. Il était «mien» et j’avais beaucoup de mal à le laisser entre d’autres mains que les miennes. Je me souviens pourtant l’avoir fait une fois. Cette séparation fut douloureuse ce qui me garda bien de réitérer l’expérience. Toute la période du prêt, j’ai imaginé le pire : «elle ne me le rendra jamais», ou alors,«elle va l’abîmer, le salir, son petit frère va le gribouiller…» Aujourd’hui, je comprends toute la symbolique de cette partie de ma vie. «Dormir» pendant de longues années en attendant «celui» qui me sortira de ma léthargie. S’oublier, me mettre en silence ainsi que mes rêves, mes envies, croire en un sauveur qui viendra me secouer, me réveiller…

J’ai rencontré des princes que j’ai trouvés charmants un temps, mon côté romantique les rendant plus beaux qu’ils ne l’étaient et puis j’ai déchanté et ils m’ont quittée.

Aujourd’hui, j’ai grandi, j’ai des cicatrices au cœur, mais dans l’ensemble j’ai survécu en me faisant à l’idée que ça n’était pas grave si la vie avait décidé de ne pas me donner d’amoureux pour le moment. J’apprenais déjà à m’aimer moi et ce n’était pas de tout repos.

Vous comprendrez pourquoi ce matin quand j’ai aperçu cette chaussure sur le bas-côté, là, toute seule, je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien avec «Cendrillon», l’autre conte de mon enfance! Bon, là, il s’agissait plutôt d’une chaussure d’homme. Mais l’histoire peut très bien fonctionner dans l’autre sens, en inversant les personnages, non? L’homme qui a perdu cette chaussure est peut-être un prince en déroute...

Ni une ni deux, j’ai garé ma voiture sur le trottoir pour aller la ramasser…

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