Mon petit paradis




J’ai la chance d’avoir un jardin qui soit mon havre de paix. J’apprécie son esthétique proche du fouillis organisé, ses camaïeux de vert nuancé, de rouge et de rose, avec par-ci par-là une petite touche de blanc. Rien de bien prétentieux, juste un lieu sans superflu. Aux yeux des autres, il n’a peut-être rien d’extraordinaire, mais aux miens il est un paradis. 

C’est un lieu qui me ressemble. Libre en retenu, sophistiqué aux allures légères, vieillissant, se renouvelant sans cesse, accueillant avec ceux qui savent le respecter, il est à mon image. Surprenant quand une plante se développe alors qu’on ne l’attendait plus, je peux comme lui parfois sortir de mon chapeau de quoi étonner. L’air y est doux et frais à la fois, la présence de deux imposants tilleuls et d’un érable plus discret y sont pour quelque chose. L’herbe est encore verte grâce aux pluies successives de ces derniers mois. Notez l’utilisation du terme « herbe » et non de « pelouse », car ici pas de chichis, le trèfle, le pissenlit, le liseron et autres pousses envahissantes côtoient sans contraintes les brins d’herbe résistants. Lorsqu’un hérisson, un écureuil ou encore un couple de mésanges élisent domicile, je suis fière que cet endroit de verdure puisse être l’hôte d’autres résidents. 

En été, il regorge de petits coins d’ombre rafraîchis par des courants d’air. Il m’arrive de découvrir une plante qui a poussé là dans un petit recoin, sans aucune intervention de ma part, et que j’accueille avec joie. Il y a bien sûr des tentatives de plantation qui ont échoué. C’est mon jardin qui décide. Il a un équilibre à respecter, que j’oublie généralement, que je cherche à outrepasser souvent. Lui me rappelle à l’ordre. Mais quelle joie lorsque les racines prennent ! J’agrandis la famille ! Parfois, il n’a pas besoin de moi, les vivaces se ressèment, des graines arrivent d’on ne sait où, avec la complicité du vent et des oiseaux.

Mes chats reposent dans mon petit paradis. Pour orner l’endroit où ils sont, j’y ai planté là un hortensia, ici un Cœur-de-Marie et un fuchsia, réveillant à chaque floraison leurs tendres souvenirs.

J’aime les bruits de mon jardin. Comme si une cloche de verre le protégeait, les bruits de la ville y sont atténués, histoire de garder une petite musique de vie. Il reste alors de la place pour les chants et les piaillements des oiseaux, le cri-cri des grillons, le bourdonnement des insectes de toutes sortes. Vous comprendrez que lorsque j’ai mal, que je suis triste, que je doute, que je fatigue, que je m’ennuie, c’est ici que je viens. Il suffit de m’y poser pour me ressourcer. 

J’ai un immense respect pour ce lieu non pas parce qu’il est mien, mais parce qu’il est aussi un lieu d’Histoire par la présence de deux tilleuls presque centenaires. Ils trônent majestueusement dans ce jardin modeste, leur tronc large et rugueux pointant vers le ciel leurs rameaux vigoureux. J’imagine qu’ils ont dû en voir des choses depuis qu’ils siègent ici et cela me rend humble. Je veille sur eux comme je le peux, mais je vois bien qu’ils n’ont pas vraiment besoin de moi. Leur présence est un cadeau. Leur enracinement, leur corpulence me sécurisent, ils semblent pouvoir porter le monde à bout de branches, protéger, ressourcer et enseigner la vie au fil des saisons à ceux qui daignent les observer. Ces tilleuls participent ici à l’équilibre de la vie de la faune et de la flore environnantes. Ils sont la solidité, la confiance et l’espoir. Même les maladies, les parasites et les canicules consécutives n’ont eu raison d’eux. Je leur voue pour cela un immense respect.

12 Août 2021

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